Venezuela
12 Mars.
Aujourd'hui nous partons pour l'Orénoque, mais avant cela nous faisons les dernières
courses au supermarché du port (il ne faut pas s'attendre à trouver des magasins au beau
milieu de la mangrove!).
Likapati (un voilier de 11m, avec Jacques et Lili) et Margaux (catamaran
de 10m, avec Gaëtan) sont déjà partis à 8h du matin, nous les rejoindrons à l'étape
prévue au mouillage sud de l'île.
Nous levons l'ancre vers 11h et quittons Chaguaramas par calme plat, J-P qui nous
accompagne également se trouve de suite encalminé puisqu'il navigue uniquement à la
voile sur son petit catamaran de compétition .
Heureusement, lorsque nous quittons la protection de l'île , un bon petit vent arrière
nous pousse gentiment sur une mer parfaitement calme.
En fin de navigation nous traversons un champ de plates-formes pétrolières et slalomons
entre-elles avant de rejoindre le
mouillage où nous attendent nos compagnons de voyage.
Chose curieuse: pendant toute la navigation, nous avons reçu une véritable pluie de
cendres, notre bateau était parsemé de paillettes noires qui s'étalent en taches au
toucher, pas de chance je venais de laver le pont avant de partir.
D'où venaient-elles? Des plates-formes pétrolières ou d'éventuels feux de forêt,
mystère...?
Le mouillage est superbe, 3 rochers majestueux bordent la baie et derrière la plage
s'étendent d'immenses forêts de cocotiers.
Likapati et Margaux sont déjà installés près de la plage et nous font signe de jeter
l'ancre à côté d'eux.
Mais surprise, le sondeur indique d'emblée 2 mètres, nous faisons demi- tour en
catastrophe, évidemment nous sommes le seul quillard du voyage et sommes obligés de
mouiller pratiquement au large pour avoir une hauteur d'eau suffisante.
De plus la mer est particulièrement houleuse à cet endroit, il nous est donc impossible
de cuisiner.
Dans ces conditions, il est inutile d'insister, nous avalons un sandwich en vitesse et
nous couchons de suite.
Au cours de la nuit, la houle se calme un peu, nous aurons finalement bien dormi et sommes
d'attaque pour la 2ème étape.
13 Mars.
Nous levons l'ancre de concert par temps calme, Likapati suivi de près par Margaux et
ensuite J-P et Belle Lurette.
Nous quittons les côtes de Trinidad pour piquer droit sur le delta de l'Orénoque, mais
nous avions à peine tourné la pointe que le vent a monté, soulevant une mer hachée et
s'est orienté évidemment plein pif!
J-P et nous, étions donc obligés de tirer des bords tandis que Likapati et Margaux ont
préféré suivre la côte au moteur pour éviter les courants contraires.
Après deux heures de navigation, le vent a forci fortement pour atteindre des rafales de
35 nuds.
Au près serré ça peu faire du vilain, nous avons donc pris 2 ris dans la grand-voile et
avons affalé le génois, inutile de vous dire que nous tirions des bords carrés et de
plus le courant était contraire, nous faisions pratiquement du sur place.
Nous essayons de joindre Likapati par VHF mais sans succès, que faire? Nous décidons de
continuer encore une heure et si le vent forcit encore, de faire demi-tour!
Heureusement le vent s'est un peu calmé et nous avons pu remettre un bout de génois. La
progression restait quand même difficile, bord après bord nous approchions lentement de
l'entrée du delta.
Nous nous présentons finalement à l'embouchure vers 17h, il ne reste donc qu'une heure
de clarté, après c'est la nuit noire, impossible donc de s'aventurer dans la passe.
Les instructions nautiques nous conseillent de suivre une série de points GPS pour
éviter le banc de sable qui entoure complètement l'entrée. Malgré les données
scrupuleusement suivies, nous passons par moments sur des fonds de 2m dans
des déferlantes impressionnantes, nous affalons pratiquement toutes les voiles pour
réduire notre vitesse, mais cette fois nous sommes poussés par le vent et nous surfons
à du 7 nuds!
Nous craignions de toucher le fond dans le creux des vagues, mais miraculeusement tout
s'est bien passé.
Arrivés au dernier point GPS, nous avons bifurqué dans l'embouchure du fleuve en
poussant un grand ouf!
Au loin nous apercevons Likapati et Margaux déjà installés au mouillage, et recevons
leurs encouragements par VHF.
La distance qui nous sépare nous semble courte, mais il nous faudra encore une bonne
heure pour les rejoindre, nous sommes contre le courant qui est à son moment le plus
fort. Nous poussons le moteur pour arriver dans la pénombre et mouillons à proximité
d'un îlot de verdure derrière Margaux.
Par chance, une magnifique surprise nous attendait : nous nous étions installés sans le
savoir juste à côté du dortoir des oiseaux.
Nous avons donc assisté à leur retour aux premières loges!
Pendant 20 minutes, le ballet était continuel, finalement le bosquet était plein à
craquer d'ibis rouges et bleus, d'aigrettes et de pélicans. Il s'en dégageait un vacarme
terrible causé par les cris des oiseaux essayant de faire respecter leurs quelques
centimètres de territoire pour passer la nuit.
C'était une merveilleuse récompense après cette pénible journée de navigation et
surtout une belle introduction à notre visite dans l'Orénoque!
Good night and sleep tired!
14 Mars.
Le matin, nous avons commencé notre remontée dans le fleuve, à ce niveau,
l'Orénoque est extrêmement large et l'eau est très boueuse; nous apercevons déjà des
dauphins d'eau douce, ils sont très curieux: contrairement aux dauphins de mer, ils sont
tout roses et possèdent une nageoire dorsale carrée et un long bec. Ils ne sont pas
très jolis mais sont très sympathiques et ne sont pas farouches du tout. (Ici, ils n'ont
pas de prédateur et les indiens les respectent.)
Après quelques Km, nous rencontrons le premier village indien, il s'agit de cabanes sur
pilotis dotées uniquement d'un toit de feuilles de palme; ils ne possèdent aucun meuble,
ils installent tout juste leur hamac le soir pour dormir!
Ils ont un mode de vie extrêmement simple, ils se nourrissent de la pêche, d'un peu de
chasse et de quelques fruits récoltés dans la forêt. Ils font également des galettes
à base d'écorce d'arbre et leurs seules friandises sont les larves de termites!
Ils se déplacent uniquement avec leurs pirogues puisqu'il n'y a pas de terre, c'est la
mangrove partout, il est impossible de poser le pied à sec nulle part!
Nous jetons l'ancre à côté d'habitations plus récentes, ici les cabanes possèdent des
murs en planches et des moustiquaires aux
fenêtres: il s'agit en fait de l'école et de l'hôpital.
Nous descendons sur la terrasse de l'école avec l'annexe pour établir un premier contact
et nous renseigner sur leur mode de vie. Nous sommes accueillis par les instituteurs, ils
avaient tout leur temps: le village entier était parti pêcher en amont de la rivière.
Philippe essaye de leur parler en espagnol, mais nous les comprenons difficilement.
Une femme médecin vient ensuite nous rejoindre en barque et nous explique cette fois en
anglais que ces bâtiments ont été financés par une entreprise pétrolière
vénézuélienne et doivent être repris par l'Etat dans les prochaines années.
Les consultations de médecin à l'hôpital ainsi que la fréquentation de l'école sont
totalement gratuites pour les indiens, mais le village n'est pas très peuplé et les
indiens Waraos ne sont pas encore habitués à faire appel à un médecin et comme ils se
déplacent en pirogues avec des pagaies, les gens des villages en amont n'y viennent que
très peu.
Pourtant ils en ont besoin, la mortalité infantile y est importante.
Un grand nombre de nourrissons sont victimes d'hypothermie, cela paraît incroyable sous
ces latitudes (t° moyenne 30°), mais c'est dû au fait que les enfants sont souvent
mouillés et se refroidissent très vite. En effet, non seulement ils sont tout le temps
sur l'eau, mais il pleut au moins une fois par jour et le soir la température fraîchit
et il fait très humide.
Ils sont également assaillis par une multitude d'insectes pouvant causer des maladies
graves, notamment la malaria ainsi que la fièvre jaune causées par les piqûres de
moustiques pendant la saison humide (juin à octobre).
Nous avons été attaqués également par de nombreuses mouches noires ressemblant à de
petits papillons, contrairement aux nôtres, ces mouches piquent et sucent le sang.
Malgré notre tenue de randonnée complète (manches longues et pantalons) elles arrivent
à dénicher la seule surface de peau disponible: nos pieds! Nous avons été obligés de
mettre des chaussettes et des chaussures montantes alors qu'il fait si chaud!
Il y a aussi les taons qui peuvent atteindre des tailles impressionnantes: certains
mesurent au moins 5 cm, vous imaginez une piqûre de ces monstres! De plus, les vêtements
ne leur font pas peur, ils n'hésitent pas à vous piquer dans le dos au travers de votre
chemise ou aux pieds au travers des chaussettes dans les moments d'inattention.
Finalement je m'armais constamment de ma tapette à mouche et dépensais plus d'énergie
à chasser les insectes qu'à naviguer.
Il faut dire que je les attire particulièrement, je ne sais pas pourquoi, mais ils
m'aiment bien et grâce à moi, les autres ont été tranquilles pendant tout le voyage!
Le soir j'étais contente de pouvoir me relâcher un peu, parce qu'au début il n'y avait
pas de moustiques, mais à partir du 4ème jour, dès la tombée de la nuit, nous étions
littéralement mangés sur place!
Mais rassurez-vous, ça a l'air terrible comme cela, mais on s'adapte très vite et puis
ce n'est rien à côté de nos guêpes européennes!
Après notre petite visite très enrichissante, nous avons fait notre premier troc avec
les indiens Waraos, ils sont très sympathiques, ils vous abordent avec leur pirogue et
échangent des paniers tressés ou des objets taillés dans le bois contre des
vêtements, des revues ou encore de la nourriture de base: farine, riz, sucre, lait en
poudre.
Heureusement nous avions un stock de vieux T-shirts et avons pu contenter tout le monde,
excepté les femmes qui réclamaient des robes, c'est chose rare sur un bateau, nous
n'avons donc pu faire leur bonheur.
Un vieil indien nous a même réclamé un caleçon: il en avait acquis un d'un bateau,
lors d'un troc précédent et avait trouvé cela
très pratique!
Nous reprenons ensuite notre route jusqu'au village suivant, ici on navigue bien sûr
au moteur, mais lorsque nous sommes au portant, nous pouvons nous appuyer avec les voiles
(nous ne passons pas notre temps à louvoyer dans la rivière, quoique J-P lui, n'a pas le
choix, mais il se débrouille très bien et finalement est aussi rapide que nous!).
Le soir nous arrivons à hauteur du village et mouillons à proximité, d'emblée nous
sommes accueillis par les indiens en pirogue et faisons un peu de troc, ils font de très
beaux colliers et des paniers tressés de toutes les formes et toutes les couleurs.
Certains nous proposent également des arcs et des flèches ainsi que des lances
(rassurez-vous, elles ne sont pas enduites de curare).
Collins, un vénézuélien vivant ici, nous propose ses services: il possède une pirogue
motorisée et nous propose de visiter la mangrove et de nous conduire au village de sa
famille qui se trouve à l'intérieur de la forêt.
Nous sommes enchantés de sa proposition et nous donnons rendez-vous le lendemain matin à
5h pour profiter de la magie du lever du soleil!
15 Mars.
Comme prévu, nous nous levons à 5h et enfilons notre tenue de randonnée ainsi que
nos bottes de voile, je prépare les appareils photos ainsi que la caméra (je ne voudrais
pas rater une si belle occasion!)
Nous embarquons dans la pirogue et passons chercher Lili et J-P qui sont de la partie.
La pirogue longe d'abord la rivière principale pour ensuite s'enfoncer dans un bras
latéral.
La mangrove est de plus en plus serrée et nous devons baisser la tête pour passer en
dessous des branches et par moment Collins doit lancer la pirogue pour passer au-dessus
des racines immergées!
Notre guide nous rassure de suite: il n'y a pas de serpents venimeux et très peu
d'araignées, tant mieux parce qu'on s'attendait à tout moment à en recevoir sur les
épaules! (on a vu trop de films!)
La nature se réveille pendant le lever du soleil: les oiseaux chantent, les singes
hurleurs font un vacarme terrible, nous les apercevons de loin sur la cime des plus hauts
arbres.
Nous pouvons également observer des "glouglous" (voir Astérix dans
"La grande traversée") ce sont en fait des genres de pintades avec une jolie
crête sur la tête, ces oiseaux sont protégés, il n'est donc pas question de les
chasser!
A un moment donné Collins nous arrête en face d'un caïman qui vient de plonger, nous
avons à peine eu le temps de l'apercevoir et attendons qu'il refasse surface, mais il a
une excellente apnée et il épuise notre patience.
Nous rejoignons ensuite le bras principal et pouvons observer des toucans et des
perroquets verts qui volent d'une rive à l'autre.
Les perroquets se déplacent toujours en couple et font un vacarme terrible, on dirait des
enfants qui chahutent, c'est très curieux!
Collins s'arrête à côté d'un arbuste et cueille une fleur en bouton, il me l'offre en
disant "magic flower", en effet: en la retournant, elle déploie ses gracieux
pétales rouges et découvre son pistil jaune flamboyant, c'est superbe et c'est vrai:
totalement magique!
Nous rejoignons ensuite notre bateau pour déjeuner avant d'entamer la deuxième partie de
la visite.
Collins vient nous chercher 1h plus tard et nous emmène avec la pirogue jusqu'à un
"chemin" qui mène à son village.
Comme je l'ai déjà expliqué, ici il n'y a pas de terre, les arbres poussent dans l'eau
et pour voyager dans la forêt, les indiens sont obligés d'abattre des arbres et font
ainsi un pont constitué d'une série de troncs d'arbres.
Certains ne font que 10cm de large et nous nous aidons de longues perches pour ne pas
être déséquilibrés.
Nous progressons très lentement et très prudemment: les troncs sont glissants étant
donné l'humidité ambiante et à certains moments nous passons sur des poutres tortueuses
à 2m des marécages!
Heureusement Collins est là pour nous aider dans les passages difficiles, il a l'habitude
et circule pieds nus comme la plupart des indiens ici; ils ont raison, on adhère beaucoup
mieux aux poutres pieds nus, nous aurions peut-être du faire la même chose, mais nous
craignions les blessures ainsi que la bilharziose (une parasitose créée par des vers
d'eau douce qui creusent des galeries sous la peau et gagnent les vaisseaux sanguins par
cette voie).
Nous arrivons au village après une bonne heure de jungle, les indiens font le même
trajet en 15 minutes en courant sur les troncs! Les enfants sont d'une agilité
incroyable, ici pas besoin de cours de gym, l'activité physique fait partie du quotidien,
c'est même une condition de survie!
Le village a été construit dans une clairière défrichée par les indiens, ce sont des
cabanes sur pilotis du même type que celles rencontrées le long de la rivière: elles ne
possèdent pas de murs, mais seulement un toit où les indiens suspendent leurs maigres
biens.
Collins nous présente sa famille, ensuite tout le village vient à notre rencontre et
après avoir discuté un moment, les femmes nous proposent un peu de troc et nous
déballent leurs paniers et colliers.
Nous avions prévu le coup, Philippe avait emporté un sac à dos complet de vêtements à
échanger. Tout est parti!
Nous croyions qu'elles allaient distribuer les vêtements de suite à toute la famille,
mais non, la "cacique" du village (la plus vieille dame du village) les a
emportés et suspendus au plafond comme tout le reste, les partages se feront probablement
plus tard dans les règles ou seront peut-être troqués à nouveau pour acquérir des
choses plus utiles?
Nous repartons donc avec un sac rempli de paniers en osier et de mini-hamac et reprenons
notre périple.
Est-ce l'habitude, mais cette fois nous n'avons pris qu'une demi-heure pour faire le même
trajet, il faut dire qu'en voyant les enfants courir devant nous sans perche, nous avons
été mis en confiance et surtout nous étions gênés de faire figure d'empotés
face à eux (nous sommes quand même prof de gym !)
Nous étions malgré tout contents d'être arrivés à la pirogue: il règne dans la
forêt une telle humidité et de plus nous étions assaillis par les moustiques et les
mouches noires, je me demande comment ils peuvent vivre dans de telles conditions!
Je plains surtout les vieilles personnes qui n'ont même pas un siège pour s'asseoir,
elles doivent être percluses de rhumatismes.
Et le fait d'être piqués sans arrêt (ils ne sont pas épargnés), cela doit être
épuisant.
Collins nous a d'ailleurs réclamé une aspirine en arrivant au bateau, il paraît que les
mouches noires causent des fièvres importantes et nous étions en pleine saison!
Nous avons donc offert à boire à notre guide et nous lui avons également donné du
désinfectant pour les blessures, il portait des plaies importantes aux jambes et elles ne
se cicatrisaient pas bien.
Dans ce climat, la moindre blessure s'infecte très vite et peu tourner au drame si on n'y
prend garde.
16 Mars.
Nous reprenons notre remontée du fleuve, le courant portant ainsi qu'un bon petit vent
nous poussent à bonne allure sous un soleil radieux.
Cédric et Alizée sont montés à bord de Margaux pour aider Gaëtan qui n'a pas
l'habitude de naviguer seul et profite de leur expérience pour mettre les voiles.
Cédric s'occupe donc de la manuvre et Alizée est à la barre.
Ils sont heureux comme des poissons dans l'eau et s'amusent comme des fous avec leur
nouveau jouet, il faut dire que Gaëtan a un caractère jovial et à eux trois il y avait
de l'ambiance!
Par contre à notre bord il faisait un peu trop calme, c'est ici qu'on se rend compte que
sans eux le voyage n'aurait pas eu le même attrait!
Comme d'habitude je suis à la barre, mais je suis plus préoccupée à chasser les taons
qu'à regarder ma route et me rapproche dangereusement de la berge (Gaëtan appelle cela
le "jardin"), un nid d'abeilles qui se trouvait suspendu au bord de l'eau se
sent agressé et en un instant nous sommes assaillis par tout l'essaim qui s'enroule
autour du génois, heureusement qu'elles ne s'en sont pas prises à nous! Apeurée, (j'ai
une peur panique des guêpes) je fonce à l'intérieur de la cabine et me réfugie
derrière la toile moustiquaire. Philippe stoïque, reprend la barre et remet le bateau au
milieu du fleuve. Les abeilles, voyant que l'on s'éloignait de leur nid, se sont
automatiquement éclipsées! OUF!
Le soir, nous mouillons dans un bras latéral au milieu des jacinthes d'eau. Ces plantes
aquatiques sont magnifiques, mais peuvent entraver la navigation, pendant la nuit, avec la
renverse du courant, une énorme plaque de 50m de large s'est détachée et est venue
s'enrouler autour de notre bateau, accrochée par notre chaîne.
Le poids de cette masse de végétation, ajouté à celui du bateau, faisait souffrir
notre ancre, nous l'entendions peiner de l'intérieur de la cabine avant. Philippe s'est
levé et a dû tout dégager à la gaffe.
Ce n'est pas le seul inconvénient de s'enfoncer au cur de la végétation, nous
étions plus près des berges et les moustiques n'ont pas hésité à nous rendre visite.
Heureusement nous étions parés, dès le coucher du soleil nous nous réfugions derrière
les toiles moustiquaires disposées à chaque ouverture du bateau. Nous pouvions les
observer se précipiter au-dessus des moustiquaires des panneaux goïots et les narguer
totalement à l'abri!
17 Mars.
Nous poursuivons notre route et reprenons le bras principal du fleuve.
La végétation change peu à peu, au début les berges étaient garnies de mangrove
(palétuviers) et en profondeur nous pouvions observer de très hauts arbres, mais au fur
et à mesure que nous avançons, la végétation rapetisse, les hauts arbres font place à
des buissons et nous pouvons apercevoir la terre ferme à certains endroits.
Les indiens vivant le long de ces berges ont un peu de sol dur pour se déplacer entre les
maisons.
Chaque fois que nous passons devant un village, nous sommes accueillis par une dizaine de
pirogues et faisons un peu de troc, mais le stock de vêtements s'épuise et nous sommes
obligés de proposer des revues ou de la nourriture ou encore des brosses
à dents et du savon.
Les indiens deviennent de plus en plus difficiles, si nous ne proposons pas ce qu'ils
veulent, ils repartent avec leurs paniers!
C'est toujours la même rengaine: les femmes veulent des robes et rien d'autre! Hors,
c'est la seule chose que nous n'avons pas.
Gaëtan a essayé de leur proposer une robe de plage de sa femme, mais elles n'en ont pas
voulu, elles l'ont jugée trop découverte!.
Le soir, nous arrivons à proximité d'un îlot central où les tortues viennent pondre.
Nous mouillons à quelques mètres de la plage et partons à la découverte de l'île avec
notre annexe.
L'île est entourée de plages de sable fin et au milieu pousse une végétation semblable
à nos fagnes. Le sol n'est pas trop spongieux, nous pouvons déambuler partout sans
difficulté, mais malgré tout nous craignons les serpents et préférons marcher sur la
plage.
Cédric et Philippe ont quadrillé toute l'île, mais n'ont pas découvert de tortue, il
faut croire que ce n'est pas la saison.
Malheureusement, les tortues sont chassées par les indigènes: nous avons découvert un
campement d'indiens sur la berge en face et ils avaient capturé plusieurs tortues.
Gaëtan en a même troqué une pour le repas du soir (il n'a aucun scrupule, il mange tout
ce qui bouge!). Nous sommes trop "écolos" pour faire la même chose et
préférons manger des spaghettis au bateau!
18 Mars.
Nous partons pour la dernière étape en amont, plus haut le voyage présente moins
d'intérêt : nous rencontrons les premières villes vénézuéliennes et les visites
risquent d'être moins "pittoresques".
Nous mouillons en face d'un petit bras latéral et partons le visiter en annexe. Nous
faisons quelques Km dans une végétation de
type mangrove et ensuite rencontrons des forêts de plus hauts arbres.
Nous nous arrêtons en face d'un ancien campement d'indiens où la végétation a été un
peu défrichée.
Philippe, les enfants, Jacques, Lili et J-P descendent à terre pendant que je garde les
annexes avec Gaëtan.
Ils s'enfoncent prudemment dans la végétation. Une minute plus tard, ils reviennent en
courant, poursuivis par un" essaim"de moustiques, qui ne voulaient plus nous
quitter, nous avons été obligés de pousser le moteur de l'annexe pour les semer!
Un peu plus loin, sur la berge tribord, nous avons rencontré une "ferme"
d'élevage dont l'habitation est un peu plus élaborée que celles que nous avons
rencontrées jusque maintenant.
Ici ce ne sont plus vraiment des indiens, mais des vénézuéliens. Ils élèvent quelques
bêtes (vaches, cochons, poules...) dans une vraie pâture. Et oui, ici nous avons bel et
bien rejoint la terre ferme, il existe d'ailleurs une route qui rejoint la civilisation.
Nous descendons pour rendre visite aux fermiers et discutons un peu avec eux.
A proximité de la ferme vivent encore de vrais indiens, nous leur rendons visite
également et leur achetons (avec de l'argent cette fois) un magnifique hamac fait main et
faisons connaissance avec toute la petite famille.
Ici leur mode de vie est encore plus rudimentaire, leur cabane sur pilotis possède un
toit fait de sacs plastiques! (Le mauvais côté de la civilisation!)
Gaëtan emmène les gamins faire un tour sur son annexe, ils sont enchantés!
Nous retournons ensuite au bateau en nous dépêchant, le soleil va bientôt se coucher,
gare aux moustiques!
19 - 21Mars.
Nous entamons notre retour, Likapati continue le voyage seul, ils sont pensionnés et
ont donc le temps de prolonger et de plus leur bateau a un très faible tirant d'eau, ce
qui leur permet de remonter beaucoup plus haut.
Gaëtan et J-P nous accompagnent, ils doivent rejoindre leur femme dans les prochains
jours.
Nous redescendons donc le fleuve gentiment en s'arrêtant au mouillage le soir dans les
endroits que nous n'avons pas encore visités. Nous explorons les petits bras latéraux
avec notre annexe.
Nous avons ainsi pu observer une multitude d'oiseaux ainsi qu'un petit fourmilier et de
nombreux singes hurleurs.
Ils sont vraiment étonnants, lorsqu'on les approche avec l'annexe, ils sont aussi curieux
que nous et viennent nous observer tel
des animaux sauvages!
Le soir, ils font un vacarme terrible et surtout inquiétant, à certains moments on croit
entendre des rugissements de dinosaures. Même Titoune est impressionnée, lorsqu'elle les
entend, elle se sauve à l'intérieur de la cabine, oreilles baissées et la queue
hérissée!
21 Mars.
Nous arrivons en vue de l'embouchure du fleuve et retrouvons notre premier mouillage à
côté du dortoir des oiseaux, mais Gaëtan qui était parti à l'avant, a oublié de
consulter les instructions nautiques et malgré son faible tirant d'eau s'est retrouvé
"planté" sur un banc de sable! Heureusement nous étions à marée montante et
il lui a suffit d'attendre que le niveau monte pour se dégager sans dommage et nous
rejoindre dans la partie la plus profonde du fleuve.
Au soleil couchant, nous assistons une dernière fois au retour des oiseaux et gardons en
mémoire ces moments si précieux de notre voyage.
22 Mars.
Aujourd'hui, nous rentrons à Trinidad, Cédric monte à bord de Margaux afin d'aider
Gaëtan à la manuvre.
Nous levons l'ancre dès le lever du soleil pour ne pas rater la marée haute afin de
passer le banc de sable en toute sécurité.
Le couloir est étroit et nous suivons scrupuleusement les instructions nautiques, le vent
étant de face, nous sommes obligés de naviguer au moteur. J-P, par contre, tire des
bords dans la passe et nous croise sans arrêt dangereusement.
Il devrait quand-même équiper son bateau d'un moteur inbord afin d'être sécurisé dans
ce genre de situation!
Comme prévu, nous avons le vent arrière dans la première partie du trajet, nous
arrivons donc relativement vite à hauteur du mouillage sud de Trinidad (vers 10h), nous
décidons donc de continuer et de tirer jusque Chaguaramas en une seule étape.
Mais bien entendu, nous sommes au près dans la 2ème partie (puisqu'à l'aller nous
étions vent arrière), mais le vent n'est pas trop fort et surtout la mer est calme, ce
qui nous permet d'avancer à un bon rythme jusque 16h.
Par après le vent s'est levé et a soulevé une mer hachée et de nouveau nous
progressons très difficilement, bord après bord.
Heureusement que Gaëtan avait Cédric comme équipier, il a bien fallu faire 50
changements de bord avant d'arriver!
Nous sommes finalement arrivés à Chaguaramas vers 22H, il faisait nuit noire et le
repérage du port n'était pas facile.
Nous avons mouillé côte à côte en face de Power Boat où nous avons pris un repas bien
mérité au petit resto du chantier en compagnie de Gaëtan.
J-P lui, a du attendre 3 h du matin avant de voir son calvaire terminé, d'autant plus
qu'il n'avait rien à manger à bord; il comptait souvent sur les qualités culinaires de
Gaëtan pour se sustenter (il faut dire que Gaëtan est un ancien patron de restaurant!).